LES FRÈRES CLAUDE : LA LIGNÉE DES VOSGES Nordic Magazine n°14 (février 2015)

LES FRÈRES CLAUDE : LA LIGNÉE DES VOSGES

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Ils sont trois frères. Florent l’aîné, Fabien et Émilien, le plus jeune, nourrissent une grande passion pour le biathlon. On les retrouve sur les circuits nationaux et internationaux pour les deux plus grands, encouragés par leur maman, qui les conseille, les encourage et les soutient. Portraits d’une fratrie.

par — Publié dans Les biathlètes le 1 février 2015

Le Champ du Feu (Bas Rhin). Florent, Fabien et Émilien Claude ont choisi de passer le dernier dimanche de l’année en famille… et sur les skis. Les trois biathlètes sont alignés sur une coupe des Vosges de ski de fond organisée par le ski-club d’Oberhaslach. Sur la piste des Myrtilles, au terme de quinze kilomètres face au chronomètre, c’est Fabien qui l’emporte devant Adrien Mougel et Florent, troisième.

De retour dans leur fief de Basse-sur-le-Rupt, ils ont débriefé la course ensemble à partir du film réalisé par Christine Claude, leur mère, toujours à la recherche du détail à améliorer pour gagner de précieuses secondes. L’essentiel pour les deux grands était surtout de retrouver le cercle familial et de faire le plein de confiance sur leurs terres à quelques jours des épreuves de coupe de France de La Seigne (Doubs), qualificatives pour les prochaines IBU Cup et les Mondiaux juniors.

 

FRATRIE VOSGIENNE

Si les frères Claude — et par la même occasion leur club de Basse-sur-le-Rupt — font parler d’eux depuis quelques saisons comme biathlètes, c’est par leurs résultats. Florent, l’aîné, a décroché un titre de vice-champion du monde de sprint junior en 2012 à Kontiolahti (Finlande). Fabien, le benjamin, est devenu champion du monde junior à Presque Isle (États-Unis) en mars dernier. Au même moment, Émilien a été sacré champion de France cadet de poursuite au Col de Porte.

La comparaison avec d’autres fratries semble inévitable. On songe immédiatement aux Fourcade : « Ils sont trois aussi, même si Brice, le dernier, a arrêté. Si nous pouvions faire comme eux, cela serait bien ! Ils nous montrent que c’est possible », souligne Florent. Pour Simon Desthieux, qui appartient aussi à une famille de sportifs, s’il y avait une comparaison à faire pour les Claude, ce serait plutôt avec les Norvégiens Tarjei et Johannes Boe : « C’est le même type de personnages, ils ont la même façon de skier. »

 

UNE MAMAN TRÈS PRÉSENTE

« Nous avons les mêmes parents, donc un patrimoine génétique proche, explique Florent. Comme nous faisons le même sport, c’est normal que nous ayons des performances proches ». Le papa, Gilles, est un ancien champion de moto. La maman, Christine, multiple championne de France de ski de fond, était au départ des premiers championnats du monde de biathlon en 1984 à Chamonix. « Après, notre force dans la famille, c’est le travail, nous sommes des battants », ajoute le jeune homme.

 

Le sport est une excellente école de la vie, ce n’est pas la vie.

 

Présidente et entraîneur du ski-club de Basse-sur-le-Rupt, Christine Claude se souvient de comment tout cela a commencé. « Florent m’a suivi sur les courses de ski dès l’âge de 8 ans, mais il était aussi attiré par la moto de trial, le VTT ou encore le BMX. Il a eu jusqu’à sept licences ! Dans les Vosges, le seul pôle espoir était celui du lycée de Gérardmer en nordique, c’est la raison pour laquelle il s’est orienté vers le fond, puis le biathlon. Fabien a fait les mêmes activités que son frère et Émilien, qui s’intéressait plutôt à la musique, a finalement décidé de faire du biathlon. »

Aujourd’hui, elle ne coache plus Florent ni Fabien, mais se concentre sur son rôle de mère auprès de ses deux aînés : « Quand ça marche, ils ont du monde autour d’eux. Quand c’est plus difficile, comme cet été quand Florent s’est fait opérer de son ménisque, je suis là pour les écouter, les rassurer et en même temps les encourager à ne pas lâcher. Le plus important, c’est la santé. Plus jeune, j’ai perdu mon petit frère et je sais que si le sport est une excellente école de la vie, ce n’est pas la vie. Il ne faut pas l’oublier ».

 

LE SENS DE LA FAMILLE

Pour Fabien, ce rôle est essentiel : « Je n’hésite pas à venir me ressourcer auprès de ma famille. Ma maman me remonte le moral. Là où d’autres auraient peur de nous blesser, elle n’hésite pas aussi à appuyer là où ça fait mal pour nous permettre de progresser ». Ce que ne dément pas son aîné : « Si elle nous suit moins aujourd’hui, elle reste toujours un œil extérieur, toujours là pour nous remettre dans le droit chemin si ça dérape ».

En dehors d’une passion commune pour le sport, parmi les valeurs transmises par les parents Claude à leurs fils, figure en premier lieu le sens de la famille. « Leur force, c’est l’émulation familiale. C’est une famille de sportifs, avec une maman qui œuvre à 200 % pour son sport. Florent montre la voie, les autres copient, s’identifient et progressent plus vite que les autres », résume Christian Dumont, en charge de la coupe de France à la FFS. « Florent a toujours été le leader, l’exemple de la famille, il montre le droit chemin à ses deux frères », poursuit Simon Desthieux.

Depuis trois ans, Florent et Fabien vivent en collocation à Prémanon. Ce qui, pour le biathlète Baptiste Jouty, est également un plus : « Si Florent a balisé le chemin pour le plus jeune, chacun veille sur l’autre. Ils ont des personnalités différentes et complémentaires : Florent est très professionnel, avec toujours le souci du détail. Fabien, pour sa part, apporte du recul et de la sérénité à Florent. Pour eux, le premier partenaire d’entraînement, c’est toujours le frère ».

 

Les frères Claude

 

La réussite des frères Claude réside aussi dans la multitude de petits détails, travaillés et améliorés en dehors des séances encadrées. Et leur point fort, c’est qu’ils n’ont aucun secret l’un pour l’autre. « Nous faisons le coach de l’un et de l’autre en tirant partie des erreurs mentales ou physiques de chacun. Si l’un essaye quelque chose qui marche, il le fait savoir avec l’autre », explique Fabien. Et les frères partagent régulièrement des petits jeux de confrontation directe. « Ils se charrient beaucoup ! Et c’est une force pour eux de pouvoir progresser ensemble », observe Simon Desthieux.

Il n’y a qu’en course que les deux frères deviennent adversaires. « Je ne cours par contre mon frère, mais contre des adversaires », précise l’aîné. Pourtant, précise Simon Desthieux, « Fabien et Florent ne sont jamais concurrents. Ils sont compétiteurs, mais ils sont d’abord frères ».

Et Émilien… où en est-il ? « Forcément, dans l’histoire, c’est moi qui profite le plus de l’expérience de mes frères quand ils sont à la maison. Pendant les séances de tirs, ils m’observent, me corrigent. Et moi, j’essaye toujours de les battre, même si au niveau de la vitesse et la précision, ça pêche encore un peu ». Pour Florent, « Émilien a toutes les qualités, en fond comme en tir. Il connaît des trucs que nous ne connaissions pas à son âge ! ». L’important pour lui maintenant sera de continuer à progresser. Comme ses aînés, Émilien espère un jour rejoindre le Pôle France de Prémanon, dans deux ans si tout se passe comme prévu.

Quelques jours plus tard, sur la piste de La Seigne, Florent a donné sa meilleure paire de skis à Fabien, pour lequel il était essentiel de gagner pour ne pas compromettre la suite de sa saison. En sprint, Florent est monté sur le podium des seniors, Fabien et Émilien l’ont emporté chacun dans leur catégorie.

Leur rêve commun aujourd’hui : prendre le départ les trois d’une même course en coupe du monde… « Ce serait la plus belle chose, reconnaît Fabien. L’espoir fait vivre, mais nous n’allons pas nous emballer et continuer à travailler ».

 

> Cet article est paru dans Nordic Magazine n°14 (février 2015)